Propos sur le projet personnel de l’élève
Généralement, la conduite humaine demeure une suite de concrétisation des projections que l’on se fait dans l’avenir. Ce dernier, par le fonctionnement du projet, acquiert au regard de l’homme l’aspect du présent, et ce, par le biais du jeu de la représentation imagée. Ainsi, il parait insensé de concevoir une activité humaine purement désintéressée : L’homme est poussé à entreprendre par motivations qui ciblent des buts plus ou moins réalisables. Le « pour quoi » de l’acte s’impose. Le projet contient alors la vertu de maintenir le sujet en activité et l’inciter à la quête d’une situation désirée jusque là relevant d’une imagerie mentale, mais, comportant aussi ses chances de réalisation. C’est bien par cette anticipation que le sujet estime l’efficience de son action sur le contexte et s’offre le sens de la probabilité et la possibilité. Aussi jouit-il, en conséquence, de l’avantage de composer avec les impératifs contextuels et se prémunit-il de leur caractère néfaste : à notre sens, loin du projet, le sens inhérent à l’action dégénère et l’aspiration vers des situations optimales devient une chimère. L’être humain est historique et relève du contexte.
Cette réactivité et pro-activité décrite ci-haut avec et sur l’environnement, ne pourrait être considérée comme étrangère au vécu de l’élève. Eu égard à des environnements imbriqués (familial, scolaire et social) qui interfèrent et en raison de la volonté de l’élève qui prétend à leur maitrise, la mise en projet se définit, alors, en nécessité. Toutefois, la vie scolaire et les contenus curricculaires ne se prêtent pas à être des finalités en eux-mêmes : l’élève est dans le besoin de nourrir des projets scolaires, formationnels et professionnels qui attribuent aux disciplines une portée fonctionnelle voire instrumentale, laquelle attitude contribue à supporter les ambitions stratégiques de tout système éducatif. Souvent inspiré par son projet, l’élève dispose d’une motivation logique et incitatrice pour enclencher l’effort d’apprendre, le maintenir et le faire aboutir. Ne sommes-nous pas devant un levier éducatif préventif/dissuasif du décrochage scolaire. Ne sommes-nous pas devant une opportunité où l’élève pourrait faire valoir ses potentialités ?
En fait, érigé en acteur de son projet, l’élève se détache de la passivité que comporte l’acte d’apprendre. Il mobilise, alors, tous les ingrédients disponibles afin de réussir son projet : attitudes, force de caractère, nouveaux apprentissages prometteurs, alternance de stratégies efficaces, choix des profils de partenaires…. Le projet instruit et par là le sens du métier d’élève se construit.
Outre son fondement existentiel et libérateur pour l’élève, le projet dans le contexte éducatif marocain s’avère primordial : une offre de formation générale et professionnelle diversifiée mais aussi intrigante en termes de choix additionnée d’une incertitude du marché de travail que suscite la globalisation constitue le bien fondé d’une mise en projets qu’ils soient scolaires professionnels ou de vie.
Habilité de par leur formation pluridisciplinaire notamment psychologique à faire naitre les projets, à les accompagner et les faire mûrir, les conseillers en orientation se positionnent au point nodal vis-à-vis des parcours scolaires. Mais une fois davantage engagés de concert avec les enseignants, ils faciliteront la multiplication des opportunités d’aboutissement des projets par le biais de l’intelligence collective et la disponibilité de l’accompagnement qu’exige la dimension temporelle des projets. Encore faut-il repenser la nomination actuelle de « conseiller » et la convertir en « conseiller-psychologue » par souci de cohérence avec le profil du métier et son exercice sur le terrain et par concordance avec le statut de l’action conseillère notamment française ? Il serait aussi utopique de concrétiser un accompagnement de proximité aspirant à la personnalisation du service du conseiller dans une réalité éducative contraignante. Le taux d’encadrement élevé et disproportionnel pour le conseiller contraste avec l’idéal prôné par la charte d’éducation et de formation : à chaque établissement secondaire sera affecté un conseiller…
Afin d’instaurer une psychopédagogie de projet et de garantir son cheminement, d’autres priorités nous interpellent, dont :
- La maitrise effective des pré-requis au début de chaque cycle scolaire ainsi que l’intériorisation de ses apprentissages généraux ou professionnels puisque la validité des projets en dépendent nécessairement ;
- La considération du droit de l’élève à s’informer, d’être aidé et accompagné en fonction de ses besoins, en l’occurrence ceux ayant trait à son intégration dans la vie scolaire et à être détenteur d’un projet ;
- L’approfondissement et l’élargissement de l’approche pédagogique adoptée dans les textes législatifs du domaine d’orientation ;
- L’ouverture réelle et réfléchie de l’institution scolaire sur son environnement. Ainsi la découverte des aspects contextuels représentera des étincelles de projets qui trouveront illico leur forme et espérance de vie…
- L’implantation de clubs éducatif en l’occurrence ceux de l’information et d’aide à l’orientation sans quoi la vie scolaire sera pauvre et en manque de projet scolaires ou professionnels…
- La création de cadres clairement institutionnalisés prônant la mutualisation des efforts des conseillers d’orientation et des enseignants ; etc.
- La création des opportunités de décloisonnement des disciplines scolaires au profit de la transversalité. Cette ambiance de rencontre est en mesure d’amener l’élève à établir les prolongements réciproques des matières et d’élaborer des scénarii et des projets en leur fonction ;
- La mise à contribution des efforts des encadrants des deux secteurs du ministère de tutelle sous forme d’une synergie de formations qui répondent aux besoins et intérêts des élèves ainsi que leurs intelligences multiples ; pour rappel, le texte de la vision stratégique 2015-2030 a été conscient de l’ampleur du projet. « Le nouveau modèle pédagogique » marocain envisagé s’appuie en partie sur l’orientation scolaire et professionnelle sous l’angle d’un remaniement de ses structures, textes et pratiques : le projet en est un élément ciblé. En outre, la stratégie nationale 2021 de la formation professionnelle reconnait l’accompagnement des jeunes dans l’élaboration de leurs projets scolaires, professionnels et de vie…
Ainsi, il s’avère que dans le contexte actuel de l’offre éducative marocaine, chaque élève est censé être sensibilisé à la notion du projet et à ses vertus pédagogiques. Avoir un projet en perspective, petit soit-il, devrait lui signifier une épreuve d’emprise sur son destin, une capacité de se surmonter continuellement et aussi de s’affirmer dans tous les contextes incertains. Cela dit, qui pourra ignorer la fonction énergisante du projet ? Sous-estimer sa vocation à diriger l’effort et sa portée d’y persister dans l’espoir d’un succès conçu et continuellement intégré ? C’est bien là une source d’incitation pour l’élève de s’investir dans sa formation par un engagement constructif et un sens original de bien s’accomplir.
Ismail IDABBOU, Inspecteur en orientation de l’éducation.
ismailidabbou@gmail.com.
التدوينة Propos sur le projet personnel de l’élève , par Ismail IDABBOU ظهرت أولاً على توجيه بريس.